Synthèse Les Médias Sociaux dans le secteur de l’humanitaire

 

        I.            Description du milieu

J’ai choisi de parler de l’utilisation des médias sociaux dans le secteur de l’aide humanitaire, secteur dans lequel je souhaiterai travailler dans le futur.

Dans ce secteur, le principal moyen de communication est le site internet, sur lequel, on peut retrouver des informations du type, les actions en cours, les projets réalisés les années précédentes, des vidéos des humanitaires déployés sur le terrain et des quantités de rapport techniques, détaillant  les résultats obtenus au cours de telle ou telle mission.

Le blogue communautaire est également populaire, un groupe de personne se réunit en comité spécialisé sur tel domaine (par exemple l’éducation dans les zones de conflits) et créé un blogue, sorte de  plateforme d’échange des meilleurs pratiques, sous WordPress, d’autres beaucoup plus rarement, vont créer un wiki professionnel.

Facebook est utilisé par la plupart des organisations comme vitrine de leurs activités.

La part de la communication informelle reste essentielle dans ce secteur, rare sont au cours d’une mission, les informations qui sont rendues officielles, à part pour un appel de dons ou pour une campagne de sensibilisation. La majorité reste officieuse, réservée au groupe d’intervention pendant toutes la durée de la mission.

Entre les différentes agences intervenant dans un même secteur, la communication se fait lors de réunions informelles, ou chaque intervenant expose à tour de rôle, ses attentes et les problèmes rencontrés. Un compte rendu de ces réunions et ensuite diffusées par email, aux membres de ces réunions.

Depuis la catastrophe d’Haïti en 2010, les humanitaires ont pris conscience de l’importance de formaliser les pratiques et de créer des outils de partage des leçons apprises (« lessons learned ») et des meilleurs pratiques afin de pouvoir fournir une réponse plus adaptées aux victimes et également d’éviter de refaire continuellement les mêmes erreurs.

Le secteur de l’humanitaire est dépendant des médias de communications (email, presse, radio…) pour assurer leurs subsistances, les actions qu’ils font sur le terrain ont besoins d’être reportées, documentées, photographiées. Les donateurs ne se déplacent pas sur le terrain mais ils demandent, tous, à être régulièrement informés sur les actions qu’ils financent. Les médias sociaux se sont donc assez naturellement intégrer dans ce processus de promotion des actions, car les donateurs, eux, issus de pays riches sont très friands de ce genre de technologies.

On peut avoir de parfait exemple de cela en se rendant sur les sites internet de l’Unicef ou de la Croix rouge, ils permettent à leurs donateurs potentiels de les suivre sur Facebook, twitter, Youtube, on peut se syndiquer a du contenu vidéo, radio ou à leurs réseaux de news. Les donateurs installés à Genève, New-York ou Paris sont mieux informés sur ce qui est entrepris sur le terrain que les bénéficiaires.

Il est vrai que dans le milieu de l’aide humanitaire, certaines organisations, telles que La croix rouge, le programme d’alimentation mondiale, le haut comité aux réfugiés,  communiquent et se servent énormément des médias sociaux et depuis longtemps mais ce n’est pas la tendance dominante.  Beaucoup d’autres agences, ne savent pas qu’elles sont les intérêts pour elles d’utiliser ce type de médias, elles ne sont pas contre leurs utilisations mais sont dubitatives quant à leurs réelles efficacités. Ce genre de média doit faire l’objet d’un plan stratégique, dans le but de répondre aux mieux aux attentes de l’organisation qui s’en sert. Ce plan doit prendre en considération les enjeux de l’organisation ainsi que le contexte dans lequel elle opère.

      II.            Les tendances observées en 2012, concernant l’utilisation des médias sociaux :

Une majorité des humanitaires, travaillant sur le terrain, perçoivent  Twitter et Facebook comme  étant futile et sans utilité directe pour les communautés dans lesquelles ils travaillent ainsi qu’hors de la portée des plus pauvres.

Une étude récente publiée par le Programme d’Harvard sur la politique humanitaire et la recherche en matière de conflits dans le secteur de la protection, présente les utilisations les plus fréquentes des médias sociaux parmi les humanitaires :

–     Echanger de l’information avec leurs pairs (réseautage)

–     Effectuer de la recherche

–     Promouvoir leurs organisations, notamment auprès des donateurs

–     Sensibiliser, attirer l’attention sur des causes qui leurs tiennent particulièrement à cœur, par

exemple la vidéo «  Kony 2012 » en Uganda.

Cette vidéo a démontré si cela était encore nécessaire, le pouvoir des médias sociaux dans la mobilisation humanitaire. Créé en mars 2012, la vidéo a été vue par des millions de d’internautes, en l’espace de quelques jours. Beaucoup d’analystes ont critiqués cette vidéo, la traitant de démagogique et déclarant qu’elle mettait en danger la population puisqu’elle est en partie à l’origine d’une intervention militaire américaine. Ce débat sur les problèmes politico-diplomatique crées par les  médias sociaux n’enlèvent rien au fait que ce type de media est en train de devenir incontournable dans la gestion de l’urgence.

Les médias sociaux sont également utilisés comme :

–        Un lieu de parole et d’activisme : Ils représentent les nouveaux forums de convergence sociale et d’activisme communautaire. Les “citizen journalism” se servent de ces plateformes pour participer activement dans la crise de leurs pays. Ils s’en servent pour diffuser des photos/ vidéos, pour lancer des appels à manifester, pour informer les gens des dérives en cours dans le pays…Des statistiques récentes indiquent que le nombre d’utilisateur de Facebook en Somalie a augmenté de 131% pendant les 6 mois ou le pays a été le plus touché par la famine.

–        Les sites de microblogging, tel que Twitter est particulièrement utilisé pour créer le buzz et pour attirer rapidement l’attention publique sur un sujet ou évènement particulier.

–        Facebook est plus approprié pour un engagement sur le long terme en faveur d’une cause ou d’une organisation humanitaire. Facebook est souvent utilisé comme plateforme de soutien et de dons. Par exemple, en 2011, médecins sans frontières a mis en ligne sur leur page Facebook et leur compte twitter, un formulaire de dons, pendant 24h, la somme collectée fut si importante qu’elle a permis de lutter activement contre la malnutrition des enfants, tout au long de l’année.

–        Le compte You tube est souvent utiliser comme outils de partage de bonnes pratiques, les humanitaires partagent leurs expériences de terrain sous forme de films courts qu’ils mettent ensuite en ligne sur la page You tube de leur organisation, allez voir pour exemple la page You tube de l’UNICEF (http://www.youtube.com/user/unicef)

–        Le site Google MAPS est extrêmement utilisé par les ONG, comme fond cartographique de leurs rapports mais également comme outils de création cartographique pour géolocaliser des points d’eaux, des latrines, des écoles…

    III.            Les forces ou les volontés sous-jacentes à ces tendances :

Les majorités des agences d’aide humanitaire (ONG) sont de petites structures, avec de petits budgets, qui ne vivent que sur les dons des agences onusiennes ou les agences gouvernementales d’aide au développement telles que CIDA au Canada, USAID aux Etats-Unis et ECHO en Europe. Elles voient dans les médias sociaux, une plateforme d’échange et un outil de communication qui leurs permettent gratuitement de se faire connaitre et de promouvoir leurs actions. Les campagnes de lever des fonds, qu’elles réalisent sur Facebook font aujourd’hui partie prenante de leurs moyens de subsistances. En 2011, pour répondre à une urgence humanitaire, une ONG kenyane, Kenyans for Kenya, a lancé sur twitter une campagne de demande de fonds qui lui a permis de récolter 8 million de dollars, provenant de donateurs privés, via des téléphones mobiles.

L’aspect viral des médias sociaux, l’information sur le net se propageant a une vitesse incroyable, est très utilisé par les acteurs de l’humanitaire pour informer le plus rapidement possible le plus grand nombre d’individus à risque. Toute la lourdeur administrative, la série d’intermédiaire par laquelle il faut passer avant de voir son information diffusée est balayé par un tweet, en l’espace d’une seconde, ce qui en cas d’extrême urgence peut sauver beaucoup de vie. En 2010, un simple de tweet d’une présentatrice de TV américaine a permis à des chirurgiens  d’avoir l’autorisation d’atterrir en Haïti pour porter secours aux victimes. Ces mêmes médecins avaient essayé en vain de contacter, l’armée de l’air américaine, alors en charge des autorisations d’atterrir sur l’ile d’Haïti, autorisation qu’ils n’avaient pas réussi à avoir malgré le caractère d’extrême urgence de leurs requêtes. Le moyen de pression sur les gouvernements que représente les médias sociaux, va c’est certain aller en se développant dans le secteur de l’humanitaire, ou il y a beaucoup d’intermédiaires et ou souvent on n’a pas le temps d’attendre qu’ils aient tous donné leur aval avant de pouvoir agir.

Ce mode de communication, très peu onéreuse, très facile à installer permet aux agences, d’échanger de l’information,  de partager des expertises avec les différentes agences en régions et les partenaires locaux qu’elles ont à travers le monde. Alors bien sûr la question de la confidentialité et de la sécurité des personnes se posent, dans ce genre d’outils de communication ouvert ou les données sont réutilisées par leurs propriétaires (facebook réutilise nos données à des fins commerciales), il faut être vigilant et les utiliser à bons escient. L’UNICEF dans une étude récente s’est rendue compte que son rapport annuel d’activité était beaucoup plus consulté sur son compte Facebook que sur son site internet. Les gens amis de sa page Facebook sont des lecteurs beaucoup plus assidus que ceux qui sont simplement abonnés via Google Reader, au Fil RSS des nouveautés publiées sur le site. La page Facebook personnalise une organisation, rend le contact moins formel, plus humain que sur le site internet. Les employés eux-mêmes, de ces organisations reconnaissent aller régulièrement sur Facebook et twitter pour s’informer des nouvelles et pour télécharger les rapports techniques, ou tous autres documents, au détriment du site internet.

   IV.            Le futur 

1.   Ce que j’entrevois d’ici 1 à 5 ans :

Dans l’humanitaire tout est plus lent que dans n’importe quel autre secteur. Ce secteur est présent dans des pays qui sont technologiquement très en retard et ou les dirigeants sont très méfiants de ce genre de média et imposent un control très stricte. A l’image du Tchad, ou sur les 11 millions d’habitant seulement 160 000[1] ont accès à internet soit à peine un peu plus de 1%.

Il est difficile dans ces conditions de pouvoir imaginer qu’elles seront les évolutions des médias sociaux, dans 5 ou 20 ans,  cela dépend de tellement de paramètres extérieurs tels que la volonté des dirigeants (souvent des dictateurs) de laisser la population libre de s’exprimer et d’accéder à de l’information en opposition ou en désaccord avec le gouvernement en place. Les grandes agences, pourront avoir les meilleurs stratégies possibles concernant les médias sociaux, elles seront inutiles tant que les gouvernements censureront leurs contenus  et tant que les bénéficiaires n’auront pas l’accès à internet.

Le gros défi des 5 prochaines années va être de développer les moyens technologiques, humains et financiers afin de normaliser l’accès, les pratiques et le control des médias sociaux :

Les humanitaires vont devoir mettre en place un nouveau modèle de gouvernance participative des actions humanitaires, dans lequel sera détaillé les moyens de communication  entre chaque acteurs dépendamment de la technologie dont ils disposent, il faudra au cas par cas identifier les obstacles à l’intégration des médias sociaux dans les opérations humanitaires et enfin, déterminer les limites de ce que l’on souhaite  accomplir par l’intermédiaire des médias sociaux lors d’une urgence.

Il va falloir apprendre à gérer les problèmes de sécurité évidente, causés par la diffusion de certaines données, photos, vidéo sur ce type de media. Quand décide-t-on que le bénéfice de diffuser une information est plus important que les conséquences que sa diffusion engendrera ?

La rapidité à laquelle se diffuse une information sur les médias sociaux,  beaucoup plus rapide que dans les médias traditionnels, complique certaine gestion de conflits. Il est beaucoup plus difficile de contrôler la circulation d’une information jugée dangereuse, sur twitter que sur le site d’un journal local.

Il y a eu beaucoup d’exemple dans ces 5 dernières années de diffusion, par des humanitaires, d’informations confidentielles, tels que l’adresse d’un employé UN, des photos montrant l’intérieur du bureau d’un employé (montrant les ordinateurs, appareils photos et autres objets de valeurs, très prisés des voleurs) et une photo du coffre-fort ou encore sur une page Facebook d’un staff local travaillant dans un pays musulman, des photos et du contenu méprisant pour la culture musulmane. Autant d’élément qui mette la vie de la personne qui diffuse en danger mais c’est également le bon déroulement de toute la mission d’une organisation qui peut être mis en péril, dans le cas de la page Facebook[2] d’un employé contenant du contenu raciste, l’ONG  de cet employé a du publiquement s’excuser pour pouvoir continuer ses activités dans le pays.

Une des solutions à ce problème de sécurité serait d’établir une Politique d’utilisation des media sociaux: qui détaillerait notamment, ce qui est et n’est pas acceptable de publier  sur tel ou tel réseau social. En parallèle à la création de cette politique il faudrait éduquer le personnel sur les dangers et les conséquences désastreuses sur le déroulement de leur mission ainsi que sur mis la vie des populations et des employés sur le terrain, de rendre certaines informations publiques.

Il manque actuellement du personnel, en charge de contrôler et d’analyser les  informations présentent dans les différents média sociaux. Dans les années à venir, et cela a déjà commencé, les agences vont devoir embaucher de plus en plus de personnes dans le domaine de la gestion de l’information et de la connaissance qui seront à la fois capable, de construire pour ces agences, une présence crédible sur le net, d’alimenter le contenu de ces plateforme mais également de contrôler ce qui se dit sur elles

2.    D’ici 20 ans :

Dans une deuxième phase, une fois que l’utilisation des médias sociaux sera normalisée (voir partie de 1 à 5 ans), on pourra envisager leurs intégrations concrètes dans le processus de réponse humanitaire.

Comme le dit Mr. Jason Cone[3], directeur de la communication chez Médecins sans frontières, il sera plus facile d’intégrer les médias sociaux, outil de communication ouvert, dans la gestion d’une catastrophe naturelle que dans la gestion d’un conflit armé. Dans le cas des conflits armés, a fort enjeux ethnico- politique, on favorisera plutôt un système de communication fermée, tel que Skype ou BlackBerry Messenger. Il faudra donc tenir compte de la nature de la catastrophe pour choisir adéquatement les outils de communication.

Etant donné la nature ouverte des médias sociaux, son utilisation sera toujours, même dans 20 ans, une décision risquée dans des pays politiquement instables tels que le Bahreïn, la Somalie ou la Syrie.

Dans 20 ans, je pense que les médias sociaux seront beaucoup plus utiliser, dans les pays où les humanitaires n’ont pas accès (comme c’est le cas actuellement en Syrie), comme outil d’assistance aux victimes. Les victimes pourront en effet, comme cela est déjà le cas actuellement, via leurs blogues ou leurs pages Facebook partager avec le reste du monde leurs conditions de vie.

Les humanitaires pourront communiquer avec les victimes en leurs envoyant directement sur leurs Smartphones via twitter un SMS dans leurs langues, ce qui sera beaucoup plus rapide que les solutions actuelles. Le problème de ne pas avoir accès à un ordinateur ne se posera plus dans, 20 ans, la grande majorité des hommes auront des téléphones dits intelligents. En 2010, au Pakistan, par l’intermédiaire de Twitter on a été capable de suivre en temps réels la distribution de nourriture. Dans chaque village, un bénéficiaire ayant un Smartphone était chargé d’envoyé un tweet, sur le compte twitter du programme d’alimentation mondiale (PAM), indiquant que son village avait reçu l’aide alimentaire.

Une fois que les communications avec les médias sociaux seront  normalisées dans une politique, les agences d’aides pourront s’entretenir directement et en toute sécurité, via les médias sociaux,  avec les communautés les plus touchées par l’urgence, ce qui permettra aux acteurs de terrain de faire une meilleure évaluation des besoins immédiats des bénéficiaires.

Une autre tendance qui se développera dans le futur est la création sur place d’un réseau de citoyens de confiance, sorte d’envoyés spéciaux qui travailleront sur place pour le compte des agences d’aide. Les citoyens deviendront de plus en plus acteurs à part entière de la réponse humanitaire. Au Pakistan, en 2010, unique cas à ce jour de participation citoyenne organisée, les informations communiquées sur les médias sociaux par le réseau des citoyens engagés était fiable et de très bonne qualité, ce qui a donné de la crédibilité à ce moyen de communication, souvent qualifié d’approximatif, de non objectif et de peu fiable par les organisations humanitaires.

Un autre exemple de ces participations citoyennes, toujours au Pakistan, SA relief (http://www.sarelief.com/) est une plateforme d’échange d’information créée en 2005 par des pakistanais, pour échanger ce qu’ils vivaient et ce dont ils avaient besoin lors des différentes inondations auxquelles ils ont été confrontés pendant 7 ans. Sur cette plateforme, ils s’échangent des photos, des vidéos et des messages, ce site est devenue tellement populaire que les humanitaires sont maintenant obligés de collaborer avec ce genre d’initiatives. Les fondateurs étant des locaux qui vivent la même réalité que les bénéficiaires et qui parlent la même langue, ils se sont naturellement intégrés dans le processus de réponse humanitaire.

 Bibliographie 

Cdac network. Communicating with Disaster Affected Communities Network. http://www.cdacnetwork.org.

CIA The world fact book Chad. https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/cd.html

EISF- European Interagency Security Forum. http://www.eisf.eu/alerts/item.asp?n=15275

Global pulse. Une initiative du secrétaire générale des nations unies sur la gestion des données numériques. http://www.unglobalpulse.org

Harvard Program on Humanitarian Policy and Conflict Research. http://www.hpcrresearch.org/blog.

Infoasaid. ONG spécialisée dans l’utilisation des médias dans les pays en crise. http://www.infoasaid.org/.

I-revolution. Blogue de Patrick Meier, consultant dans l’utilisation des nouvelles technologies dans les zones de crise. http://irevolution.net

NGO security. Blogue spécialisé sur la transparence, les menaces et les vulnérabilités dans les zones de conflits. http://ngosecurity.blogspot.ca/

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